La révision

3 années de travail

Pourquoi une révision ?

L’une des trois missions de l’Alliance biblique française est la traduction des textes bibliques. On estime qu’une version de la Bible nécessite une révision environ tous les vingt ou vingt-cinq ans : étant donné la forte diffusion de la BFC et la date de sa dernière révision, ce chantier s’imposait.

Ce travail n’est jamais fini aussi longtemps que les langues cibles évoluent. La langue française n’échappe pas à cette règle. Certains termes ne sont plus compris de la même manière, il est nécessaire d’en utiliser d’autres. Il ne faut pas que le mot choisi en français oriente le lecteur moderne vers un sens que le mot hébreu ou grec n’avait pas du tout. C’est par exemple le cas de l’expression « frère de race », trop connoté aujourd’hui. Il est important d’éviter les termes qui brouillent le message biblique en étant trop chargés en affectivité ou interprétations contemporaines.

Nous avons aussi prêté attention à la sonorité à l’oral du texte (la Traduction officielle liturgique a influencé la réflexion à cet égard). Certains textes bibliques sont maintenant disponibles en version audio, ou bien un robot peut lire le texte pour les personnes non-voyantes. De manière générale, l’oral est plus présent avec les vidéos (4 évangiles : les films par exemple). Il est important de faire attention aux contresens ou ambiguïtés, notamment vulgaire ou drôle à l’oral.

Les recherches sur le texte biblique se poursuivent et parfois il est nécessaire d’en tenir compte par une nouvelle traduction ou une nouvelle préférence entre un choix de traductions. Cela peut être le résultat du progrès dans la compréhension des langues anciennes, ou d’une découverte archéologique ou d’un manuscrit. C’est la raison pour laquelle le travail de révision est confié à des spécialistes qui sont au courant des travaux universitaires sur un texte en particulier. Cela est d’autant plus vrai pour les notes qui accompagnent le texte biblique.

Mais depuis les années 1970, des travaux très intéressants sur la Bible comme récit et les différents éléments narratifs, ou bien sur la signification de structures littéraires (structure en chiasme, par exemple), se sont développé de manière fructueuse. La question se pose : la recherche de l’expression dans une langue courante a-t-elle parfois caché ces marqueurs de sens importants dans le texte biblique ?

La critique principale de toutes les premières traductions utilisant l’équivalence fonctionnelle était celle de la sur-traduction, c’est-à-dire la tentation d’ajouter des périphrases censées aider le lecteur, mais qui finalement interprètaient le texte (et devraient se trouver dans les notes et non dans le texte).

La deuxième critique générale est la distance parfois prise par rapport au vocabulaire théologique ou ecclésial. L’ironie est que pour ouvrir le texte à tous, les premières traductions en français courant avaient voulu précisément éviter le langage religieux traditionnel, et préféré des mots ordinaires. Mais elles seraient allées trop loin. Le texte biblique ne correspondrait plus au langage de la « liturgie » plus ou moins formelle du culte, ou bien la traduction s’éloignerait de la version de la Bible utilisée habituellement par les pasteurs ou prêtres.

De manière générale, cet argument est entendu, notamment parce que les Sociétés bibliques souhaitent renforcer leurs liens avec les Églises – mais avec toutes les Églises, qui n’ont pas toujours le même vocabulaire. En tout cas, la révision de la Bible en français courant a entendu cette critique notamment à propos du mot « alliance » qui était utilisé dans la BFC, mais qui était remplacé parfois par « engagement », « promesse » ou « pacte ». C’est aussi, il faut le dire, le respect de l’hébreu. Puis, le terme « relevé d’entre les morts » est redevenu « ressuscité » et le verbe « bénir » dans le cadre de la louange revient (au lieu de « Peuples, remerciez notre Dieu » : « Peuples bénissez notre Dieu »).

Qui a fait la révision ?

57 réviseurs de toute la Francophonie. Réviser une Bible est un travail d’équipe. Une étape capitale d’un tel projet consiste à réunir un nombre important de spécialistes qui vont procéder à la révision : chacun, chacune se voit confier un livre, parfois plusieurs, et des directives générales pour orienter la révision. L’une des forces de la Bible en français courant est d’être interconfessionnelle et internationale. Nous avons donc veillé dans le choix des réviseurs à un équilibre entre les différentes sensibilités du christianisme, incluant aussi une plus forte participation de femmes dans l’équipe, et respectant la diversité des origines géographiques et culturelles avec des réviseurs de France, de Belgique, du Canada, d’Afrique et de Suisse. 57 réviseurs ont participé :

  • 31 protestants (dont des évangéliques et adventistes), 22 catholiques, 1 orthodoxe, 1 juif, 2 sans étiquette
  • 46 hommes et 11 femmes
  • 8 du Canada, 4 de Belgique, 4 de Suisse, 2 de RD Congo.

Il faut ajouter une responsable de projet et un comité scientifique : Katie Badie, Valérie Duval-Poujol, Roselyne Dupont-Roc, Thierry Legrand et Elsbeth Scherrer.

Comment les réviseurs ont-ils procédé ?

La première chose à préciser est qu’il s’agit d’une révision ! Ce n’est pas une nouvelle traduction. Chaque réviseur a le texte de la BFC et travaille sur ce texte. Il ou elle n’est pas obligé(e) de modifier la traduction de la BFC si celle-ci convient ! Les modifications interviennent pour :

  • moderniser le français ou remplacer des mots devenus ambigus ou connotés (par exemple « guerre saint » (Jr 6.4), « fanatique » (Phi 3.6), « compatriote », « caïds du village » 1 R 3.4-5, « crèche » Luc 2) ;
  • favoriser une traduction moins sexiste : là où le mot original laisse la possibilité de la mixité préférer « gens », « personne », « celui qui », « être humain », « humain » ;
  • simplifier des surinterprétations pour rester plus près des langues originales.

Mais toute modification doit se référer aux textes hébreu et grec. Un changement dans le français pour des questions de vocabulaire ou de style doit être en cohérence avec les textes originaux. Pour la BFC et pour toutes les traductions de l’ABF, l’édition de référence est la Biblia Hebraica Stuttgartensia pour l’Ancien Testament hébreu et Nestle-Aland pour le Nouveau Testament grec.

Les réviseurs ont reçu les conseils suivants pour proposer des nouvelles traductions en fonction dans l’esprit de la BFC et de la NFC :

  1. Préférer des phrases courtes en limitant le nombre de propositions subordonnées.
  2. Obtenir un déroulement plus linéaire de la phrase ; redistribuer éventuellement l’information dans un ordre logique, le plus souvent chronologique. Les anticipations, les retours en arrière, les incises sont un facteur de difficulté pour la compréhension.
  3. Expliciter ce qui est implicite et qui ne va pas de soi pour le lecteur d’aujourd’hui (sans paraphrase).
  4. Utiliser la syntaxe de la langue française et celle du grec ou de l’hébreu.
  5. En français pour exprimer une action, on préfère un verbe à un substantif abstrait ; pour exprimer une qualité, on préfère un adjectif à un substantif. D’une façon générale, on préfère un terme concret à un terme abstrait.

Les réviseurs, étant surtout des universitaires ou spécialistes du texte biblique, sont rentrés plus ou moins dans le style. Une fois la révision rendu, c’était la responsable du projet, Valérie Duval-Poujol, qui menait avec chacun et chacune un dialogue que sur la forme surtout, pour arriver à une formulation claire, simple, mais fidèle au sens du texte original.

  • La NFC est une Bible interconfessionnelle, destinée à tous les milieux ecclésiaux. Ne rien introduire d’offensant pour une des confessions chrétiennes. En outre elle a reçu l’imprimatur et doit le garder. Faire particulièrement attention aux passages lus les jours de cérémonie (baptêmes, mariages, fêtes religieuses, etc.) ou présentant des enjeux ecclésiologiques.
  • En ce qui concerne les notes, elles servent plusieurs buts :
  1. Indiquer les difficultés textuelles ; indiquer les variantes textuelles les plus significatives ; indiquer quand le texte hébreu massorétique est obscur en faisant référence aux versions anciennes.
  2. Rendre compte des possibles ambiguïtés figurant dans le texte original. Évoquer les autres traductions qui auraient été légitimes à partir du même texte et qui diffèrent de celle retenue.
  3. Les éclairages géographiques, historiques, culturels ou religieux nécessaires pour comprendre le texte.
  4. Pour un idiome, si le traducteur trouve une équivalence, mentionner l’original en note.
  5. Les passages parallèles ou les passages reprenant en citation ou allusion ce passage.
  6. Indiquer les jeux de mots.

Quand elle avait des doutes, elle faisait appel à un comité scientifique pour trancher sur les différentes propositions de traduction. Un comité très dynamique, franc, œcuménique qui n’hésitait pas à dire qu’une telle ou telle traduction serait mal comprise ou heurterait des sensibilités…

Ce comité a également établi après beaucoup de discussion, des traductions « types » qu’il fallait appliqué à travers le différents livres. Cette mise en cohérence est un des rôles fondamentaux d’un tel comité :

Quel a été le travail final ?

Relecture. Une fois les contributions des 57 réviseurs produites, la NFC est entrée en phase de relecture. La relecture a été africaine pour le Pentateuque, tahitienne pour les Prophètes, suisse et canadienne pour d’autres parties ; des religieux ont relu les Psaumes.

Puis le texte est revenu aux réviseurs. C’était parfois un peu difficile pour eux puisque toutes leurs suggestions n’ont pas été adoptées, mais une phase très utile et qui a évité de nombreuses erreurs !

Introductions. Elles vieillissent souvent vite et c’est là-dessus que les gens expriment leur désaccord !

Toutes les introductions ont été réécrites, corrigée par le comité scientifique. Le but ? Présenter rapidement le contenu, relier à la culture et à des questions existentielles, pastorales, proposer une section « Pour aller plus loin » qui donne quelques idées des considérations plus complexes de datation ou d’origine.

Maquette. Nous avons constaté dans le processus de révision que la langue française évolue non seulement dans son vocabulaire, mais aussi dans sa présentation.

Nous avons utilisé comme modèle la nouvelle révision de la Bible de Luther lancée en Allemagne en 2017 pour le choix de la police – lisible, propre. L’autre modèle est la TOB à notes essentielles, sans les deux couleurs.

La NFC est plus longue – révision des notes, police un peu plus petite – , mais en général plus aérée, avec les introductions et le texte commençant toujours à droite.

Nous avons, par exemple, introduit des listes avec points dans le texte biblique – quand il s’agit de toute évidence d’une liste. Nous avons osé même le faire pour les Dix paroles ou Dix commandements ! Mais l’œil est habitué à une telle organisation sur la page. Nous espérons un bon accueil des lecteurs.

Fin du processus éditorial. Le texte relu est rassemblé avec introductions et notes ; les index et annexes sont ajoutés ; l’ensemble est mis en page et fait l’objet d’une ultime relecture avant l’envoi à l’imprimeur et la diffusion en librairies.

Résultat : une bonne traduction, contemporaine, fluide, sereine, exigeante !